Roman Contemporain

Mistral Perdu ou les Événements – Isabelle Monnin

Mistral perdu ou les evenementsMitral Perdu ou les évènements – Isabelle Monnin

Editions JC Lattès – 6 septembre 2017

Coup de coeur

 


Je remercie les Editions JC Lattès pour cette lecture.

4ème de Couverture

« On lirait dans les êtres comme dans le flanc éraflé des montagnes, si on savait »

C’est une histoire intime, la jeunesse lumineuse de deux sœurs nées dans les années 1970 ; et puis la tragédie obscurcit tout.
C’est une promenade sur les sentiers de la vie d’une femme, traversés par l’époque, les rêves et ces chagrins inconsolables qui nous font pourtant grandir.
Récit à la beauté vibrante, Mistral Perdu recueille les traces des événements personnels et collectifs qui nous percutent à jamais.

Mon avis

Tout part d’une histoire, celle de deux sœurs fusionnelles nées dans les années 1970. Elles sont deux, les filles, issues d’un milieu intellectuel de gauche, dans la campagne franc-comtoise. Isabelle Monnin raconte leur existence – la sienne et elle – le village, l’école, le collège, puis le lycée, le bus scolaire, les repas dominicaux, les discussions politiques. Des souvenirs qui résonnent indubitablement en toute personne née à cette époque. C’est plaisant, on se souvient. Ah oui, les chansons de Renaud, les sacs US graffités, les baskets montantes et les manches sauve-souris. Les sous-pulls en nylon, les vinyles et les walkman. Une époque, une génération, dont les réseaux sociaux parlent avec nostalgie, que certains envient, dont le mythe s’entretient à coup d’émissions « spécial années 80 ». Une génération qui a connu le minitel, la liberté d’expression, Daniel Balavoine et Coluche, la nudité à la télévision, les chansons à texte, les soap-opera américains, les manifestations contre la réforme scolaire de 1986, la chute du mur de Berlin, les chars de la place Tienanmen …  Une génération post 68, chargée de rêves et d’idéaux, volontaire et courageuse, mais …

« Les heures de rêverie, que deviennent-elles quand on s’en échappe ? Elles imprègnent les murs et les plafonds, s’y gravent à l’encre sèche, elles sont pareilles aux souvenirs : glissées sous les choses. Chaque maison, chaque sentier, chaque arbre est couvert de ces couches invisibles, on peut bien poncer les enduits et arracher les écorces, elles ne disparaissent jamais vraiment. »

L’écrit est précis, parsemé des détails politiques et culturels des années 70 à nos jours. Une enquête sociologique qui dessine peu à peu la réalité cruelle et irrémédiable du temps qui passe. La prise de conscience est amère : les joies et l’insouciance se sont envolées, les espoirs sont brisés, les rêves piétinés. Lucide, l’auteur évoque la vie, les coups durs, les drames, les deuils, les déconvenues, ces aspirations qui n’ont pas collé au réel. L’enfance est perdue, l’adulte chemine.

« Se résigner comme le verre de demain, encore une cigarette, à quoi bon se priver. Se résigner comme se présenter aux autres tel qu’on est, écorché de renoncement, lacéré des promesses no tenues, à chaque trahison son entaille, et nos corps sont nus sous la lumière cruelle, que reste-t-il de nos amours, de nos naïvetés, de nos élans, Mistral perdu ? »

C’est l’écrit des désillusions d’une génération malmenée, un bilan brut, sans concession, intense, qui trouble et interpelle, chargé d’un vécu douloureux et clairvoyant.

« Tout garder est impossible, le temps efface, fait de la place pour les à-venir. Alors j’accepte l’oubli, je capitule. J’accepte même d’avoir oublié certains de mes oublis. Je dis je l’accepte, pourtant ce n’est pas tout à fait vrai, je ne me résous pas totalement : un oubli après l’autre, j’avance, mais mes poches sont pleines de cailloux. »

J’ai refermé ce livre avec beaucoup de regrets. J’en aurais encore parcouru des pages et des pages tant les mots m’ont touchée. C’est un coup de cœur absolu. Un ÉNORME coup de cœur. ❤ 

MISTRAL GAGNANT

A m’asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Et regarder les gens tant qu’il en a
Te parler du bon temps qu’est mort ou qui reviendra
En serrant dans ma main tes petits doigts
Puis donner à bouffer à des pigeons idiots
Leur filer des coups d’ pieds pour de faux
Et entendre ton rire qui lézarde les murs
Qui sait surtout guérir mes blessures
Te raconter un peu comment j’étais minot
Les bonbecs fabuleux qu’on piquait chez l’ marchand
Car-en-sac et Minto, caramel à un franc
Et les mistrals gagnants

A remarcher sous la pluie cinq minutes avec toi
Et regarder la vie tant qu’il en a
Te raconter la Terre en te bouffant des yeux
Te parler de ta mère un petit peu
Et sauter dans les flaques pour la faire râler
Bousiller nos godasses et s’ marrer
Et entendre ton rire comme on entend la mer
S’arrêter, repartir en arrière
Te raconter surtout les carambars d’antan et les cocos bohèmes
Et les vrais roudoudous qui nous coupaient les lèvres
Et nous niquaient les dents
Et les mistrals gagnants

A m’asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Et regarder le soleil qui s’en va
Te parler du bon temps qui est mort et je m’en fou
Te dire que les méchants c’est pas nous
Que si moi je suis barge, ce n’est que de tes yeux
Car ils ont l’avantage d’être deux
Et entendre ton rire s’envoler aussi haut
Que s’envolent les cris des oiseaux
Te raconter enfin qu’il faut aimer la vie
Et l’aimer même si le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants
Et les mistrals gagnants
Et les mistrals gagnants

Paroliers : Renaud Pierre Manuel Sechan

11 réflexions au sujet de « Mistral Perdu ou les Événements – Isabelle Monnin »

    1. Franchement ce livre m’a conquise … Et par son côté nostalgique, et par toute l’émotion qui s’en dégage. Une émotion poignante , mais aussi désabusée. Tu me diras ce que tu en penses si tu le lis.

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