La fatigue du Matériau – Marek Sindelka
Editions des Syrtes – 21 Janvier 2021
Trad. Du Tchèque par C.Laferrière

Je remercie les Editions des Syrtes pour cette lecture.
Résumé
Deux jeunes frères fuient clandestinement leur pays, après la disparition de leurs parents dans un bombardement. Ils arrivent ainsi séparément en Europe où ils ont prévu de se retrouver. Ce sont alors deux périples qu’entreprend le lecteur dans ce récit court, intense et haletant, au gré des épreuves que traversent les deux frères, dans l’espoir de se voir accorder un nouveau droit à l’existence. Il faut fuir et se cacher, trouver à manger, tenter de se repérer, avancer. Le monde se révèle à travers le prisme de l’angoisse, nous faisant vivre une véritable expérience physique et humaine. Mus par la force du lien fraternel et par la volonté de ne jamais se laisser humilier, Amir et son frère doivent tenir malgré la « fatigue du matériau », c’est-à-dire l’usure extrême du corps. Un puissant remède contre la déshumanisation.
Mon Avis
Ils ont tout perdu dans ce pays qui fut le leur, détruit par la guerre. Il faut fuir. Rejoindre l’Europe malgré le froid et la peur. Amir et son frère luttent, attachés à la vie, pas après pas, vers l’espoir d’une terre d’asile ; ils progressent bien que séparés, bravant les éléments et la laideur des hommes.
Le texte saisit comme le givre aux pieds du garçon, glace le cœur et fige l’air. On est en apnée, sidéré par tant de justesse, par l’atmosphère qui nous étreint jusqu’à l’oppression – nos pas sont ceux de ces hommes, leurs peurs nous envahissent, la tension nous submerge. Les phrases sont courtes telle une course que l’on ferait sans souffle. La scène d’Amir « voyageant » sous le capot d’une camionnette est insoutenable.
Sombre et abrupt, cet écrit raconte l’horreur et l’espoir, le courage et le chagrin. Il humanise ces hommes migrants que beaucoup (trop) déshumanisent, accrochés aux privilèges de leurs pays stables. Il raconte la douleur sans l’amoindrir et claque le bec.
Un roman fort qui bouleverse auquel je reprocherai juste quelques longueurs qui m’ont perdue un instant avant que le récit ne me ré-entraine.
Une belle lecture.
