Roman Contemporain·Roman historique

Les dévastés – Théodora Dimova

Les dévastés – Théodora Dimova

Editions des Syrtes – 4 Janvier 2022
Trad. du Bulgare par M. Vrinat

Je remercie les Editions des Syrtes pour cette lecture.

Résumé

Trois femmes se retrouvent, un froid matin de février 1945, au bord de la fosse commune dans laquelle ont été jetés les corps des hommes qu’elles aimaient, et dont les destins se sont croisés dans une même cellule. Comme tant d’autres, ils ont été torturés, condamnés et sommairement exécutés, emportés par la rage révolutionnaire. Des décennies après, l’image de la fosse du cimetière de Sofia, où la neige tombe sans la recouvrir de sa blancheur continue de hanter les esprits…

Les biographies familiales s’entrelacent dans une prose intense. Les trois femmes sont dépassées par la tragédie du meurtre de leurs époux, la destruction soudaine de leur vie et de leur bonheur. Au-delà des figures masculines assassinées qui émergent à travers leurs récits, la douleur, dans ce livre, est un personnage central. Elle jaillit des phrases et parvient, de façon à la fois étrange et subtile, à alarmer et à réconforter, peut-être même à guérir.

Les Dévastés est un portrait de l’élite intellectuelle bulgare broyée par la terreur. Mais c’est aussi celui d’une société dans laquelle la tragédie est longtemps tue au point de devenir un douloureux secret. Sans pathos aucun, Théodora Dimova parvient à l’émotion pure et à une véritable empathie. Son style subtil et direct ainsi que la sobriété de l’écriture, en font une évocation empreinte d’humanité.

Ma lecture

Sofia et Boliarovo, en Bulgarie, l’existence s’écoule au jour le jour dans la période trouble de la seconde guerre mondiale. Allié de l’Allemagne nazie, le pays affiche une neutralité, à l’égard de l’Union Soviétique, bouleversée par le décès du tsar Boris III en août 1943 qui modifiera le jeu des alliances. Proche géographiquement, l’Armée Rouge déclare la guerre à la Bulgarie le 1er septembre 1944 – une « guerre d’un jour » appuyée par l’insurrection des communistes bulgares et du Zveno qui renversent le gouvernement et instaurent un régime favorable à l’Union soviétique.  

Raïna tourne en rond dans son appartement dans lequel Nikola, son époux, ne reviendra pas. Ils l’ont enlevé, torturé, abattu comme tant d’autres dans cette fosse commune du cimetière de Sofia, peu profonde et recouverte de scories. Comme Mina, le prêtre, dont la femme et les enfants seront exilés. Comme Boris Piperkov, l’entrepreneur appliqué et sans histoire. Trois hommes, compagnons de cellule unis dans la tragédie, dont le seul tort fut de déplaire au Front de la patrie que la haine, la rage et la folie animent. 

Roman choral, « Les dévastés » offre une parole à chacune des épouses puis à celle des générations futures dont l’ADN porte les traces d’une incommensurable souffrance. Le chagrin s’immisce en chaque page, témoin d’un mal profond que les mots portent au-delà d’une lecture. Il imprègne et bouleverse révélant l’indicible d’une honteuse époque.

J’ai découvert les faits, happée par ce roman magnifique, humain et profond, dans le vécu de Raïna, dans les lettres d’Ekaterina ou dans l’écrit de Viktoria – femmes à l’amour éreinté au nom d’incertitudes politiques et de bêtises humaines. La douleur est immense : elle se ressent, empoigne, retourne, sans pathos néanmoins, tant elle est juste et fine. Ce roman est un témoignage. Il est un cadeau.  

Une lecture forte absolument nécessaire.
Capitale.

Ce roman vient de remporter le Prix Fragonard de littérature étrangère 2022 🙂

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3 réflexions au sujet de « Les dévastés – Théodora Dimova »

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