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Rencontre – Jean-Baptiste Andrea

Rencontre Jean-Baptiste Andrea

J.B Andrea

Jean-Baptiste Andrea est un écrivain, scénariste et réalisateur français. En 2017 paraissait, aux Editions de l’Iconoclaste, son superbe premier roman, « Ma reine », récompensé par de nombreux prix dont le Prix Femina des Lycéens et le Prix du Premier Roman.

Pour notre plus grand plaisir, Jean-Baptiste Andrea publie à l’occasion de cette rentrée littéraire de 2019 son second roman « Cent millions d’années et un jour » et a accepté de répondre à mes questions.

AFDL : Bonjour Jean-Baptiste, je vous remercie très sincèrement d’avoir accepté de répondre à mes questions. Qui êtes- vous Jean-Baptiste Andrea ?

Jean-Baptiste: Voilà ce qui s’appelle une question ambitieuse. J’ai en fait mis pas mal d’indices de ma personnalité dans Stan, le héros de Cent millions d’années et un jour. Mais en quelques mots, je dirais rêveur, impatient, passionné, irritable, maladroit. Une sorte de Bisounours qui tient mal l’alcool. J’aime la nature, les animaux (tous), une certaine forme de solitude. Je déteste toute forme d’extrémisme, idolâtrie, ou fanatisme. J’ai un rapport un peu difficile à l’autorité. Je n’aime pas qu’on me dise quoi faire.

AFDL : Écrire, qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Jean-Baptiste : Je ne sais pas. Je l’ai toujours fait, depuis que j’ai huit ou neuf ans, et je n’ai toujours pas percé le mystère du pourquoi. Peut-être parce que j’étais nul dans tout le reste. Une chose est sûre, c’est un mélange de souffrance, car je trouve toujours ça aussi dur, de bonheur intense et d’addiction. Ça doit donc être une drogue.

AFDL : Ecrire des scénarios ou écrire un roman, est-ce différent ?

Jean-Baptiste : Oui, puisque le scénario est un exercice de contraintes, et le roman un exercice de liberté. Et non puisqu’il s’agit toujours de raconter une histoire, dont on veut qu’elle soit bonne. J’ai beaucoup appris du cinéma sur la construction d’un récit. Je peux ignorer les règles, je le fais d’ailleurs souvent, mais je sais que je les ignore, et je sais pourquoi. Le cinéma est une très bonne école.

AFDL : Votre approche de l’écriture s’inscrit dans un souci du détail, dans une précision d’orfèvre qui placent vos personnages, est-ce pour vous lié à une influence cinématographique ? 

Jean-Baptiste : Je suis mal placé pour le dire parce que ce n’est pas conscient. Je ne pense absolument pas au cinéma en écrivant un roman. Je ne me dis pas « ce serait un bon film », sauf peut-être à la fin, en me relisant. Je n’utilise pas sciemment de techniques de cinéma. J’ai décidé d’écrire des romans pour être libre, et je ne regarde pas en arrière. Mais j’ai écrit des scénarios pendant vingt ans, donc il en reste quelque chose. Et ce qu’il m’en reste, plus précisément, n’est pas intrinsèquement lié à l’image même. C’est un désir d’aller à l’essentiel, de dire les choses le plus simplement, le plus efficacement possible. Si un dialogue peut faire trois lignes au lieu de quinze, alors il fera trois lignes.

AFDL : L’aspect poétique de votre écriture, est-ce une liberté qu’offre le roman ?

Jean-Baptiste : Absolument. Il y a des films très poétiques mais il est évident que ce n’est pas la norme. Tout coûte tellement cher dans le cinéma que la recherche d’efficacité prime tout le reste. « Sequel », « prequel », « remake » et « spin off » sont des mots bien plus prisés que « poétique » au cinéma, dans l’ensemble.

AFDL : Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Jean-Baptiste : Tous les coups (métaphoriques) ou les câlins que j’ai reçus depuis ma naissance, les insultes et les compliments, et tout ce qui m’entoure au moment où j’écris. La musique et la peinture aussi, beaucoup.

AFDL : Stan est paléontologue … un rêve d’enfant ?

Jean-Baptiste : Je voulais en effet être paléontologue, mais c’est presque une excuse. Stan aurait pu faire n’importe quel métier. Je connaissais plutôt bien celui-là.

AFDL : L’enfance crée l’adulte, une idée qui vous est chère ?

Jean-Baptiste : Je pense que c’est un fait. L’importance de cette période sur l’adulte que nous devenons me semble être un sujet vital. On peut essayer de résoudre les problèmes de société comme on veut, tant qu’il y aura des enfants malheureux, mal-aimés, mal éduqués, on n’avancera pas.

AFDL : Dans votre roman « Ma Reine », votre héros Shell « s’évade » d’un monde auquel il n’appartient pas, Stan fait-il de même ?

Jean-Baptiste : Hmm, je dirais plutôt qu’ils s’évadent tous les deux pour conquérir le monde, ou le dépasser, ne plus en avoir peur. Ce n’est donc pas une fuite. C’est un combat à bras-le-corps.

AFDL : La nature offre-t-elle une rédemption ? Une échappatoire ? Un salut ?

Jean-Baptiste : Absolument, tout cela à la fois. Très concrètement, près de chez moi, la Bergerie de Faucon, créée par Guy Gilbert, accueille des jeunes en difficulté dans un cadre magnifique et les met au contact de la nature et des animaux. C’est un projet parmi d’autres, mais il est très beau, et fonctionne. Beaucoup de nos maux viennent, je crois, du fait de grandir « hors-sol ». L’homme n’est pas fait pour ça. Mais la nature n’est pas tout. Il faut apprendre à la voir. Nous en revenons à l’éducation.

AFDL : Et la montagne … ou la nature … votre roman est-il un rappel à notre arrogance ?

Jean-Baptiste : Le rapport à la montagne est très complexe. C’est un mélange d’oubli de soi, d’arrogance et d’humilité extrêmes. Je ne connais pas d’alpiniste qui soit juste arrogant, mais je n’en connais pas des masses qui soient juste humbles. On en revient à la question de vouloir conquérir un monde qui nous dit « Non, tu ne peux pas faire ça ».

AFDL : Comment est né votre roman ?

Jean-Baptiste : Comme les autres, en réfléchissant pendant un an ou deux, et tout d’un coup en ayant une idée à laquelle je n’avais pas pensé du tout, et qui n’a rien à voir avec mes longs mois de réflexion, mais qui s’impose à moi.

AFDL : Avez-vous un petit rituel d’écriture ?

Jean-Baptiste : Non, mais j’ai besoin de concentration, de calme, de préférence d’être chez moi. Je n’ai jamais écrit de ma vie dans un bar ou dans un train. C’est assez intime, j’aime être caché.

AFDL : Avez-vous de nouveaux projets d’écriture ?

Jean-Baptiste : Peut-être…

AFDL : Quelles seront vos trois prochaines lectures ?

Jean-Baptiste :
Another Country
de James Baldwin, Amazonia de Patrick Deville et La cartographie des Indes Boréales d’Olivier Truc.

AFDL : Quels sont vos trois derniers livres « Coup de Cœur » ?

Jean-Baptiste :
Le Guépard, de Giuseppe Tomasi, La Chute de Camus (ce n’est pas un coup de cœur au sens traditionnel, ça m’a violemment ébranlé par sa noirceur, mais c’est aussi la fonction de la littérature) et La Nature Exposée de Erri de Luca. Ce dernier n’est peut-être pas parfait, mais si je pouvais avoir l’imperfection d’Erri de Luca je serais très heureux.

AFDL : Un dernier mot ?

Jean-Baptiste : Oui. Arrêtons d’avoir peur. Peur de notre ombre, peur du passé, du présent, de l’avenir, peur d’avoir raison, peur d’avoir tort. Et même peur des araignées, c’est très gentil une araignée, laissons ces petites bêtes tranquilles.

 

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